la sélection de la rentrée littéraire

L ’enragé, Sorj Chalandon

éditions Grasset

Paru au mois d’août dernier, cet ouvrage est déjà nominé pour 4 prix dont le prix Renaudot.

« Entre ses hauts murs, où avaient d’abord été détenus des Communards, ont été ” rééduqués ” à partir de 1880 les petits voyous des villes, les brigands des campagnes mais aussi des cancres turbulents, des gamins abandonnés et des orphelins. Les plus jeunes avaient 12 ans. Le soir du 27 août 1934, cinquante-six gamins se sont révoltés et ont fait le mur. Tandis que les fuyards étaient cernés par la mer, les gendarmes offraient une pièce de vingt francs pour chaque enfant capturé. Alors, les braves gens se sont mis en chasse et ont traqué les fugitifs dans les villages, sur les plages, dans les grottes. Tous ont été capturés. Tous ? Non : aux premières lueurs de l’aube, un évadé manquait à l’appel. Je me suis glissé dans sa peau et c’est son histoire que je raconte. Celle d’un enfant battu qui me ressemble. La métamorphose d’un fauve né sans amour, d’un enragé, obligé de desserrer les poings pour saisir les mains tendues”, S.C

La prochaine fois que tu mordras la poussière, Panayotis Pascot

éditions Stock

C’est sans doute l’un des livres les plus surprenant de cette rentrée. Nous connaissions l’auteur pour ses « One man show » certes intime, mais où l’humour prédominait. Comme il le dit lui-même, «  ce livre devait être un long sketch pour la scène, puis je me suis rendu compte au fil de l’écriture que ce n’était absolument pas drôle. Mon père nous a annoncé qu’il n’allait pas tarder à mourir et je me suis mis à écrire. Trois années au peigne fin, mes relations, mes pensées paranoïaques, mon rapport étrange avec lui, crachés sur le papier. Je me suis donné pour but de le tuer avant qu’il ne meure. Ce que je ne savais pas c’est que j’allais traverser un épisode dépressif si intense que j’allais frôler la mort moi aussi… C’est l’histoire de quelqu’un qui cherche à tuer. Soi, ou le père, finalement ça revient au même… ” P. P. L’auteur s’attaque d’une plume tranchante et moderne à trois thématiques qu’il tisse ensemble pour composer un récit autobiographique aussi acide qu’ultralucide. La relation au père, l’acception de son homosexualité et la dépression s’enchevêtrent ici dans un violent passage à l’âge adulte. Mais la lumière y sort toujours d’un regard, une façon d’observer le quotidien avec autant de tendresse et d’humour que de clairvoyance. Un livre événement.

Psychopompe, Amélie Nothomb

éditions Albin Michel

« Écrire, c’est voler »

Psychopompe est un récit autobiographique qui vient clôturer la trilogie entamée avec Soif –, l’un de ses plus beaux et plus audacieux romans de sa bibliographie – où il est question de Jésus, et Premier sang (Prix Renaudot 2021), où il est question de son père.

Dans ce dernier volet, elle raconte comment elle s’est découvert cette passion pour les oiseaux, notamment à travers les pays qu’elle a parcourus durant son enfance , et nous fait voyager à travers la Chine, le Japon, la Birmanie, ou encore le Bangladesh. Elle évoque aussi ses traumas, mais aussi cette curiosité permanente qui l’anime depuis toujours.

Un récit intime qui nous dit combien la littérature semble constituer sa raison de vivre .

Souviens toi de ne pas mourir sans avoir aimer

Marc Alexandre Oho Bambe, éditions Calman Levy

“Quelques musiciens et musiciennes parviennent à vous absoudre de péchés que vous n’avez pas commis, à vous faire toucher la grâce et à briser la glace entre vous et vous-même, vous avez vingt ans, vous pleurez, à un concert, un concert de jazz à Harlem, vous ne vous en remettrez pas”.

Jaromil a le Jazz à l’âme. Un jour, il reçoit dans sa boîte aux lettres un colis contenant un courrier, des cassettes audio, un disque, Mo’ Better Blues, et la photo d’un homme qui lui ressemble trait pour trait, seul héritage du père qu’il n’a pas connu. Bouleversé, il part en quête de réponses, et écrit à sa fille, pour lui dire. Tout lui dire. Conçu comme un récital de jazz, cet objet littéraire hors-norme efface les frontières entre poésie et roman, et offre un regard poignant sur la paternité, l’absence, la solitude et l’amour.

Un récit aux multiples facettes qui mêle roman, poésie et musique.

Les terres animales

Laurent Petitmangin, La manufacture de livres

Il y avait là de petites villes avec leurs églises, quelques commerces, des champs, et au loin, la centrale. C’était un coin paisible entouré de montagnes et de forêts. Jusqu’à l’accident. Il a fallu évacuer, condamner la zone, fuir les radiations. Certains ont choisi de rester malgré tout. Trop de souvenirs les attachaient à ces lieux, ils n’auraient pas vraiment trouvé leur place ailleurs. Marc, Alessandro, Lorna, Sarah et Fred sont de ceux-là. Leur amitié leur permet de tenir bon, de se faire les témoins inutiles de ce désert humain à l’herbe grasse et à la terre empoisonnée. Rien ne devait les faire fléchir, les séparer. Il suffit pourtant d’une étincelle pour que renaisse la soif d’un avenir différent : un enfant bientôt sera parmi eux. Laurent Petitmangin, toujours aussi bouleversant d’humanité, nous raconte les souvenirs indélébiles, les instincts irrépressibles et la vie qui toujours impose sa loi au cœur de ces terres rendues au règne animal.

 

Journal d’un scénario

Fabrice Caro, éditions Gallimard collection Sygne

“On va faire un beau film ! ” Depuis que le producteur a validé ainsi son scénario, Boris est aux anges. La magnifique tragédie amoureuse qu’il a intitulée Les servitudes silencieuses verra le jour au cinéma, en noir et blanc, comme dans ses rêves les plus fous. Et tout semble décidément sourire à Boris quand il fait la rencontre d’Aurélie, une jeune femme cinéphile qui se passionne pour le projet. Pourtant le cinéma, comme l’amour, a ses aléas et ses contraintes. Du film d’auteur au navet, il n’y a parfois qu’un pas. Fabrice Caro développe ici son art de l’absurde dans un délicieux crescendo comique. Probablement le roman le plus drôle de cette rentrée littéraire.

 

Le goûter du lion

Ogawa Ito, éditions Piquier

Ce qui fait de ce livre grave et pudique un roman solaire, c’est d’abord le lieu : l’île aux citrons dans la mer intérieure du Japon, qu’il faut gagner en bateau ; et encore, l’image magnifique de l’union de la mer, du ciel et de la lumière : la mer scintillante, illuminée par un incroyable sourire, surplombée par la Maison du Lion, ce lieu de paix où Shizuko a choisi de venir pour vivre pleinement ses derniers jours en attendant la mort. Avec elle, nous ferons la connaissance des pensionnaires – ses camarades, ses alliés et pour tout dire, sa nouvelle famille – ainsi que de la chienne Rokka qui s’attache à elle pour son plus grand bonheur. En leur compagnie, il y aura aussi les goûters du dimanche où grandit peu à peu son amour de la vie quand on la savoure en même temps qu’un dessert d’enfance, une vie qui aurait le goût de la fleur de tofu, d’une tarte aux pommes ou des mochis-pivoines. Avec la délicatesse d’écriture que nous lui connaissons dans ses précédents romans, Ogawa Ito entraîne peu à peu Shizuko sur un chemin de poésie dont la mélodie possède la voix grave et conciliante d’un violoncelle ; un chemin apaisé comme pour dire la gratitude d’exister.” Une ode à la vie.

 

Une belle vie

Virginie Grimaldi, éditions Flammarion

Emma et Agathe Delorme sont soeurs. Elles ont grandi l’une contre l’autre, mais sont pourtant très différentes. Agathe, la plus jeune, bordélique et ardente, a toujours pris toute la place dans le bain, dans la chambre et dans le coeur d’Emma. Après cinq ans d’un silence inexpliqué, Emma donne rendez-vous à Agathe dans la maison de vacances : Mima, leur grand-mère adorée, n’est plus, il faut vider les lieux et faire le tri dans les souvenirs. Les soeurs Delorme ont une semaine pour tout se dire et rattraper le manque de l’autre. Parviendront-elles à réparer le passé ? Dans la beauté de cet été au Pays basque, où leur enfance cogne à la porte, résonne la force de leur histoire.

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